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Officium martyrum

















~ L'office des Martyrs ~
les plus anciennes pièces du répertoire grégorien ont été
forgées au ''plus grand amour''






Programme
du
concert
I. – LA TERRE DES MARTYRS

Aeterna Christi Munera...........................................................hymne des matines des Apôtres
Les princes des églises
Hic est vere Martyr............................................................répons pour les matines des Martyrs
Le vrai martyr n’a pas craint de verser son sang

II. – LE CIEL DES MARTYRS

Alleluia. Justi épulentur.....................................................alleluia de la 2e messe des Martyrs
Les justes exultent sous le regard de Dieu
Alleluia. Corpora sanctorum.........................................alleluia de la 1ere messe des Martyrs
Les corps des saints reposent en paix
Alleluia. Te Martyrum........................................................alleluia de la 3e messe des Martyrs
Les martyrs chantent la louange de Dieu

III – AU-DELÀ DU VOILE

Qui seminant................................................................................trait de la 1e messe des Martyrs
Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent dans la joie
Justorum animae................................................................offertoire de la 3e messe des Martyrs
Aux yeux des insensés, ils ont semblé mourir
Qui me confessus............................................................cinq antiennes de l’office des Martyrs
Qui sequitur me
Qui mihi ministrat
Si quis mihi
Volo Pater
Qui vult venire...............................................................................................antienne à Magnificat
Choisi par Jésus-Christ pour le suivre
                  

IV – LA COURONNE DE GLOIRE

Alleluia Posuisti Domine.................................................messe d’un Martyr au temps pascal
Royauté du sang
Anima nostra sicut passer.........................................offertoire de la fête des saints Innocents
Délivrés du filet de l’oiseleur

V . LA LITURGIE DU CIEL

Sub altare...................................................................... répons pour la fête des saints Innocents
Les martyrs et l’Agneau mystique
Christe Redemptor......................................................................................hymne de la Toussaint
Le Christ total







Présentation
du
programme


En vérité, en vérité je vous le dis, si le grain de froment ne tombe en terre et ne meurt, il reste seulement lui-même ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perdra ; et celui qui hait sa vie en ce monde, la gardera pour la vie éternelle.

Il  n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.

S. Jean, 12, 25 ~ 15, 13
Dans les toutes premières années du christianisme, une seule grande fête donne son impulsion à toute la vie liturgique : Pâques. En effet, chacune des veilles nocturnes commencée aux lucernaires et passée alternativement au chant des psaumes, des lectures sacrées et dans la demeure silencieuse et contemplative, s’achevait comme à un sommet au lever du soleil par la messe, acte liturgique par excellence au moment où la résurrection du Seigneur avait eu lieu.  Or si la messe est célébrée au moment de l’aurore et non pas le soir à l’instar de la dernière cène, c’est que justement, elle est essentiellement liée, pour les premiers chrétiens, à la Pâque du Seigneur. Mais cette Pâque matinale ne saurait avoir lieu néanmoins sans être comme le fruit mûr d’une descente dans la nuit au moment des lucernaires (la veille au soir) prolongée par la longue veille nocturne, signifiant plus explicitement ici, en amont de l’aurore, la mort du Seigneur. L’orant entre donc dans la mort au soleil couchant afin d’entrer dans la vie au soleil levant.

Dès lors, on l’aura compris, toute liturgie sera précisément le lieu de passage d’une certaine vie à la mort, puis d’une certaine mort (« elle n’est pas morte la jeune fille, elle dort ») à la vraie Vie. A partir de ce donné fondamental du Mystère qui renouvelle totalement le sens de l’existence humaine, toute l’année liturgique va développer sa guirlande de fêtes jalonnant le temps, n’ajoutant rien à l’essence du Mystère (mort-résurrection), mais développant - variations infinies dans la couleur propre de chaque saison (Noël, Epiphanie, Chandeleur…etc) - le même et unique Mystère du salut, chaque fête exhortant à mourir avec le Christ afin de ressusciter avec lui.

Lorsqu’on a replacé ce motif central de la nécessité d’une vie immolée et transfigurée, dès les balbutiements (si j’ose dire !) du christianisme, on découvre du coup avec une évidence proprement jubilatoire comment le culte des martyrs n’aura été de fait non pas l’exaltation platement morale de tel ou tel héroïsme humain (« mourir pour des idées », comme dit la chanson) ni même de telle ou telle individualité, mais le prolongement liturgique naturel de l’action propre et unique du Christ à travers ses disciples professant la prééminence du ciel et de son ordre sur la terre. Le culte de martyrs n’est rien d’autre que le culte de Jésus-Christ, sa Pâque, mort et résurrection, prolongée dans ses disciples; et lorsqu’un martyr donne sa vie comme salaire de l’affirmation première de la réalité surnaturelle sur l’évidence du glaive, c’est Jésus-Christ qui, à nouveau, meurt pour le péché et ressuscite pour la joie du Père – et partant sauve le monde !

Voilà tout ce que, dans le prolongement des versets évangéliques cités en exergue, la jubilante louange du culte des martyrs n’a cessé de proclamer à la face du monde. Seule une telle vision des choses permet de chanter tandis que les lions du Colisée ont toutes les apparences sauf celle d’un romantisme édulcoré. C’est un fait pourtant que les lions, le glaive, le grill, ou plus proche de nous, la guillotine n’ont pu interrompre le chant de la cité des anges, qui était précisément toute la joie des martyrs. La faiblesse du tyran, c’est de ne pas avoir réussi à imaginer que sa dissuasive menace de mort, n’a jamais été reçue par le chrétien que comme une définitive invite à la vraie Vie ! Ce soir, nous souperons avec les anges, s’exclament innocemment les carmélites de Compiègne et aucune vérité n’est plus tranquille que celle-ci, lorsque clairement la volonté de Dieu la prévient. D’une certaine manière, le martyre est la forme la plus naturelle, la plus candide, la plus simple… d’être chrétien.

Dès lors on ne s’étonne guère que les antiennes, hymnes, répons… qui jalonnent les fêtes des martyrs, soient parmi les pièces les plus anciennes et les plus belles du répertoire, tout animées d’une pertinence de Foi dont l’argument « esthétique » majeur, est la démission radicale d’avec ce monde et l’étreinte innocente et sans entrave de la béatitude du ciel. Ici, nulle intention de flatter, de séduire, voir même d’enseigner ou édifier la cité terrestre…, seul le Ciel mérite la demeure et ce répertoire en possède déjà la bienheureuse jouissance, au point que même les « tourments des martyrs » sont décrits comme apparences fugaces tandis que les « tués pour le Seigneur » sont dans la joie.

A ce titre, et puisque ces louanges retentissent néanmoins en ce monde dans la liturgie, ce répertoire manifeste comme la sublime anomalie qui anticipe le Ciel sur la terre grâce aux catacombes, avancée inespérée de la Demeure au cœur de l’exil. Assurément c’est au Ciel que l’on est lorsqu’on chante les martyrs dans le catacombes de saint Calixte alors que le sang des frères tant aimés coule et coulera encore. C’est du Ciel qu’on voit la mort, qu’on la chante, qu’on la désire même. C’est que la Pâque du Seigneur se prolonge dans ses disciples dont la mort est précieuse, alleluia ! C’est pourquoi, l’office des Martyrs est un office proprement céleste, dont l’objet ultime est l’Agneau immolé de l’Apocalypse autour duquel adorent et jubilent les « agneaux nouveaux » !

Aussi, lorsque nous réduisons l’explication du retranchement des premiers chrétiens dans les cimetières des catacombes à la seule crainte des persécuteurs, nous oublions tout un pan de la réalité, qui est d’ailleurs premier. Qu’il y ait eu, en effet, des mesures de prudence pour échapper au tyran, certes, cela est évident, car la Foi même l’exige. Mais plus encore que la prudence, c’est le zèle du Royaume qui conduit les premiers chrétiens à organiser le culte à l’endroit même où les corps mutilés des bienheureux martyrs reposent en paix. S’ils aiment à prier aux catacombes, c’est parce que là, près des corps immolés au nom de la Foi, ils sont plus près du Ciel que n’importe où ailleurs. Pour preuve, le fait qu’en dehors même des périodes relativement courtes des persécutions, les catacombes demeurent tout au long des trois premiers siècles, le lieu privilégié de culte. Et plus tard, lorsque les églises sortiront de terre, elles ne pourront abriter le culte que parce qu’on y aura translaté, préalablement, les restes des martyrs, ou parce qu’elles auront été construites sur le lieu même du martyre ! Toute église de la chrétienté a d’abord été un tombeau.

Ainsi, ces catacombes romaines, qui recueillent les corps de ceux qui ont passé le premier versant de la Pâque avec le Seigneur (la mort) et attendent de passer le second (la résurrection), sont le seul lieu approprié sur la terre où la liturgie du Ciel puisse, de plein droit, anticiper la Vie éternelle. Ici, à saint Calixte, à sainte Domitille, au mont Vatican…, une liturgie céleste n’est plus une indulgente exception, voire une extravagance, mais c’est la règle même de la terre lorsque le sang l’a arrosée et fécondée. Le culte catacombal des martyrs atteste par là qu’il y a moins de distance entre un chrétien et le Ciel, qu’entre ce même chrétien et le monde. A partir de là nous entrons en effet dans une autre manière d’envisager toute chose, car, sous le regard transfigurant de la Foi, l’intimité du Bien-Aimé est devenue première.

L’ensemble Ex Corde, lui-même illuminé par la joie candide et puissante de ces pièces qui témoignent de la jeune chrétienté lorsqu’elle jouait, innocente, avec les osselets de ses saints, a voulu offrir quelques médaillons de l’office des martyrs au fil de ce concert, comme une image reflétée mais néanmoins véhémente de la réalité puissante que Gustave Thibon résume d’un trait : « je crois aux choses que je vois, à cause de celles que je ne vois pas ».

©  Bertrand Décaillet


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